Super plombé : la fin du mythe

Entre les pétroliers découvrant soudain les vertus du potassium, les cris alarmistes, les culasses certifiées « compatibles » et le business de l’additif, il n’est pas évident de s’y retrouver. Il nous semblait nécessaire de faire le tour de la question…

Au fait, pourquoi du plomb dans l’essence ?

Que nous sert-on à la pompe ?

Depuis le 1er janvier 2000, le Super Plombé a disparu des pompes à essence françaises. Dans les années 20, on a découvert que l’adjonction de tétra-ethyl de plomb dans le carburant assurait une bonne lubrification des soupapes à température élevée et une bonne étanchéité entre soupapes et sièges de soupapes. Très vite, l’adjonction de tétra-ethyl de plomb dans le carburant apparut comme une solution miracle, permettant d’utiliser des matériaux standards pour les soupapes et sièges de soupapes (lorsque ceux-ci existaient !). Au fil du temps, on s’est aperçu que le plomb présente un autre avantage: il prolonge la vie des soupapes d’échappement et de leurs sièges. Pourquoi ? Simplement parce qu’il dépose, à la fois sur les têtes de soupapes et sur les sièges de soupapes de minuscules particules d’oxydes de plomb et des sulfates.

Sans cette protection, la zone de contact entre la soupape et son siège serait endommagée par la combinaison de la force d’impact de la soupape et la chaleur dégagée par les gaz d’échappement. Le siège perdant, petit à petit, de son épaisseur, entraînant de plus en plus loin la soupape dans la culasse. C’est ce phénomène qu’on appelle la récession des sièges de soupapes et qui s’amplifie avec le temps, jusqu’à provoquer la descente pure et simple du siège (il n’y a plus, alors, d’étanchéité entre le siège et la soupape, et celle-ci grille). Voilà pour la raison  » historique  » du plomb dans notre carburant.

C’est donc clair, la problématique de l’abandon du Super Plombé se situe au niveau de la survie de nos soupapes et sièges de soupapes. Va-t-on casser son moteur au premier plein de Sans-Plomb ? Quelles sont les solutions alternatives ? Combien ça coûte ? Comment ça marche ?

Que risquent nos soupapes et sièges de soupapes ?

Dans un premier temps, nous ne posons la problématique que sur des moteurs stocks, conformes à l’origine. Et là, il faut être clairs et précis: les moteurs VW ne risquent pas grand chose, à condition d’être bien entretenus.

Soupapes et sièges de soupapes

Nous l’avons vu, la question du plomb intervient essentiellement dans la durée de vie des soupapes et sièges d’échappement, dans un rôle d’amortissement des chocs et par extension, de leur température. Le moteur VW, tournant globalement 40% moins vite que les autres et ayant des taux de compression faible, il est assez logique de déduire que le nombre de chocs soupapes/sièges est moins grand que sur un moteur conventionnel.

De la même façon, la température des gaz d’échappement est moins élevée que sur un moteur poussé au taux de compression plus élevé.

Ajoutons à cela qu’au fil des ans la teneur en plomb du Super a progressivement baissé pour ne plus représenter en 1999 que 0,15 g/l. contre 0,7g/l dans les années 60 et on en arrive a relativiser le rôle du plomb sur nos mécaniques. De plus, le plomb ne disparaît pas du jour au lendemain dans un moteur. Selon les sources, le plomb met entre 10 et 30.000 km pour disparaître.

Et dans les autres pays ?

Aux Etats-Unis, le Sans-Plomb est apparu à la fin des années 60 pour être généralisé en 1975. Bref, il est fort probable que des culasses récentes et compatibles au SP se promènent en Europe, mais il n’y a aucune certitude quant à leur identification ou même sur la date à laquelle la totalité de la production est devenue compatible au sans-plomb.

Partant du principe que rien ne remplace l’expérience acquise par les autres, j’ai interrogé des amis amateurs de VW à l’étranger. Leurs réponses sont très instructives.

Peter REICHLER, Suède:
« Contrairement aux idées reçues, nous disposons encore de Super Plombé en Suède. Mais je voyage beaucoup en Europe en VW et au vu de mon expérience, les moteurs VW peuvent rouler sans problème au Sans Plomb, à condition d’avoir leurs soupapes VW d’origine dont l’acier est de meilleure qualité que les reproductions que l’on trouve partout. Je n’ai jamais rencontré de personnes ayant eu des problèmes en roulant au sans-plomb avec un moteur 100% stock. En Angleterre, j’ai rencontré quelqu’un qui n’a jamais utilisé de Super Plombé dans sa Beetle. Ayant démonté son moteur pour une autre raison, nous n’avons constaté aucun problème particulier sur ses soupapes, qui sont les seules pièces pouvant être affectées par l’usage d’essence sans plomb.
A titre personnel, en Suède, je fais un plein sur 4 avec de l’essence plombée, le reste au sans-plomb. « 

Klaus JACOBSEN, Danemark :

« Personnellement, j’utilise tant pour mon cabrio 1952 que pour ma Sedan 1958 le Sans Plomb 98 additivé en vente dans les stations service. Cela fonctionne parfaitement. Je pense que je nous pourrions rouler au Sans Plomb mais je n’ose pas.  »

Rüdiger HUBER, Allemagne

« J’utilise exclusivement le Super Sans Plomb pour tous mes moteurs VWs aircooled »

Gregory DESCHOTT, Etats-Unis

« Je ne me suis jamais posé la question ! En Californie, je n’ai jamais connu l’essence plombée, nous utilisons le sans plomb depuis la nuit des temps ! J’utilise exclusivement l’essence sans plomb pour mon cabriolet Karmann-Ghia de 1965. »

Richard TROY, Etats Unis

« On peut utiliser le Sans-Plomb dans tous les moteurs VWs aircooled non-modifiés, à l’exception de quelques ancêtres possédant des sièges de soupape en bronze. En utilisant du Sans-Plomb dans un moteur VW, cela va sans doute en accélérer l’usure des sièges et des guides de soupapes, mais de façon infime. Dans un cycle de vie du moteur de 200.000 km, peut-être que la maintenance des culasses sera ramenée à 170 ou 180.000 km avec l’usage du Sans-Plomb. Dans les faits, j’utilise à San-Francisco des moteurs pied-moulé 30cv d’origine au Sans-Plomb depuis plus de 10 ans sans le moindre souci au niveau des culasses  »

Jeff Lipnichan, Etats-Unis

« Nous avons du carburant sans plomb depuis très longtemps. Si les guides de soupapes sont en bronze, pas de problème. On peut aussi adjoindre un peu d’huile dans l’essence, pour améliorer la lubrification du haut moteur ».

Lee Hedges, Etats-Unis

« Aux USA, nous n’avons que du Sans-Plomb de longue date. Pour ma Karmann-Ghia T34 de 1965 -jamais importée officiellement aux USA et donc conçue pour l’essence européenne- qui a un taux de compression de 8,5 :1 j’utilise le carburant standard RON 92 mais j’ajoute un additif au plomb à chaque plein. »

LES SOLUTIONS TECHNIQUES

Les additifs

D’une façon unanime, constructeurs et pétroliers affirment en cœur « Aucun problème, grâce au Sans Plomb 98 additivé ». Le Super Plombé est donc remplacé à la pompe par du Super SP 98, incluant un additif au Potassium, moins polluant que le plomb. Le potassium utilisé est, en fait, un composé lamellaire qui présente deux avantages: il possède un pouvoir de lubrification « comparable » à celui du plomb (selon les pétroliers) et il dépose, tout comme le plomb, de minuscules particules sur les sièges de soupapes jouant, elles aussi, le rôle d’amortisseur entre la soupape et le siège. Ce qui est présenté comme la solution miracle pour l’utilisateur d’une R5 de 1980 ne l’est toutefois pas forcément pour nos ancêtres de 30, 40 ou 50 ans.

D’abord, ce Super additivé ne sera distribué, en principe, que jusqu’en 2003. Je dis bien, en principe, car il ne faut pas rêver, on ne rencontrera ces pompes que de plus en plus rarement, un autre des objectifs de la disparition du Plombé étant d’accélérer le renouvellement du parc automobile, tant pour des considérations environnementales qu’industrielles.

Et dans notre logique de conservation, 3 ans, c’est court, très court.

Ensuite, malgré les affirmations initiales des pétroliers et du législateur, ce SP 98 additivé au potassium, bien que non polluant et donc détaxé, est plus cher que . le plombé ! Et ce, de l’ordre de 20 à 30 cts/litre, selon le distributeur. Ce n’est pas bloquant mais franchement agaçant. Cette solution à le mérite d’être simple, mais ne fait que repousser le problème à 2003, sans offrir une totale garantie.

Effectivement, si le potassium c ‘est la panacée, pourquoi ne pas l’avoir adopté plus tôt ?

Le

A coté du Super Sans Plomb Additivé distribué à la pompe, fleurissent des additifs en flacon et l’absence de tout contrôle sur leur composition et leur distribution conduit à la plus grande méfiance : ils peuvent présenter autant d’avantages que d’inconvénients. Ces additifs contiennent, en effet, des composés halogènes et un substitut de plomb (potassium, sodium, manganèse, phosphore, methanol, ethanol, MTBE [methyl tertiary butyl ether] ou ETBE [ethyl tertiary butyl ether]). Ces composés halogènes produisent des agents corrosifs, pouvant participer à la dégradation des soupapes d’échappement, des bougies, des silencieux et pipes d’échappement. L’absence de tests sérieux ne permet aucune conclusion définitive quant à ces produits.

Le remplacement des sièges de soupapes

La Top des solutions, c’est le montage de sièges de soupapes d’échappement en acier renforcé. Là, il faudra se rapprocher d’un atelier de rectification réputé. L’atelier procédera à l’extraction des sièges de soupapes d’échappement existants, au ré-usinage de la portée des sièges et montage de sièges en acier renforcé. Et, enfin, surfaçage des plans de joint des soupapes et des sièges. Dans la majorité des cas, l’intervention se limite à ces uniques opérations. Maintenant, tant qu’on en est à reconditionner sa culasse, autant lui offrir le grand jeu et en profiter pour changer également les sièges de soupapes d’admission, les guides et les 8 soupapes pour repartir sur des bases totalement fiables. Toujours dans cette optique, ne chipotez pas sur la qualité des soupapes neuves. L’ensemble de ces opérations a, évidemment, un coût. Variable suivant les ateliers et l’état dans lequel vous amenez vos culasses (si elles sont entièrement dépouillées, vous évitez évidemment la dépose des ressorts, soupapes…).

Des culasses 1200 remises entièrement révisées

En gros, la facture globale tournera entre 2.000 et 4.000F pour les deux culasses, selon le travail à effectuer et l’artisan. Ça paraît cher, mais vous êtes tranquille pour 200.000 km.

Vous pouvez également faire un échange standard de culasses, mais attention aux produits 1er prix. Le principe de l’échange standard reste malheureusement d’en faire le moins possible.et les soupapes à 30 F que l’on trouve un peu partout n’ont rien à voir avec les VW montées d’origine.

Bon, mais concrètement ?

Face à cette avalanche d’informations, il ressort une grande tendance: la suppression du plombé n’ a jamais causé d’hécatombe du parc VW dans quel pays que ce soit et, très vite nous ne disposerons plus que de SP 95 ou SP 98 à la pompe. Sur le court terme, la solution de base est incontestablement de se servir à son ancienne pompe qui délivre dorénavant du SP 98 additivé au potassium.

Si vous roulez au quotidien en VW ou que vous êtes de nature anxieuse (les problèmes se posent parfois plus dans la tête que dans le moteur.) vous referez tôt ou tard votre vieux moteur. Ce sera l’occasion de remplacer les sièges et les soupapes, et de retrouver ainsi la sérénité perdue.

Autre option: rouler au sans plomb, directement et sans plus attendre. De toutes façon, nous n’y couperons pas, au plus tard en 2003 et en attendant, nous ferons des économies. Le plomb présent ne disparaîtra pas du jour au lendemain dans nos moteurs lents et au taux de compression rikiki. En plus, pas besoin de SP 98, le 95 fait parfaitement l’affaire (avec un bémol pour les types 3 à moteur 1500 dont le taux de compression est plus élevé). L’expérience dans les autres pays le prouve, nos VWs peuvent rouler au sans plomb 95 sans être obligé d’intervenir sur la mécanique plus souvent qu’avant.

Un nouvel élément de poids est venu étayer cette thèse. Alain Kursner, bien connu du milieu Vintage, a écrit au Musée de Wolfsburg pour poser noir sur blanc la question de l’utilisation de SP dans sa Split. La réponse -publiée dans Super VW Magazine n°133 p.28- est sans équivoque. TOUS les moteurs VW dans leur configuration d’origine (culasses et soupapes VW) acceptent de rouler au SP.

La question des moteurs vitaminés se pose différement. Si vous achetez des culasses perfo (044 et consors) fabriquées essentiellement à destination du marché US, pas de problème. Comme ils ne connaisent plus le plombé depuis 25 ans, c’est forcément compatible.
Par contre, si vous préparez des culasses d’origine VW (agrandissement des conduits, etc…) les contraintes seront différentes de la configuration origine et le remplacement des sièges va s’imposer…

Synthèse réalisée à partir des études et articles publiés par la Fédération Française des Véhicules d’Epoque, l’Union Française des Industries Pétrolières, les magazines Gazoline et La Vie de l’Automobile, ainsi que le Web de l’Automobile Classique et Sportive