Old Speed: la renaissance de l’Enzmann 506

Dans les années 50, de nombreux carrossiers se sont servis de la base mécanique/chassis de la Volkswagen pour donner libre cours à leur imagination, sous l’oeil méfiant de Wolfsburg. Parmi les Drews, Stoll, Romtesch, Denzel ou Dannen hauer & Stauss, un petit carrossier Suisse du nom de Enzmann proposait dès 1956 un formidable petit roadster équipé d’une carrosserie en fibre de verre.

François DELADOEY a rencontré Karl Enzmann, le fils du créateur, qui a décidé de redonner vie à l’oeuvre de son père !

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A l’origine du projet…
L’histoire de l’Enzmann 506 commence en Suisse en 1953 lorsque le Dr. Emil Enzmann dessine une carrosserie en fibre de verre stratifiée d’un aérodynamisme remarquable pour l’époque. Un modèle fut d’abord confectionné en lattes de bois clouées sur des gabarits en bois puis cette charpente fut habillée d’une tôle martelée et formée à la main. Il en coûta plusieurs milliers de francs suisses, jusqu’à ce que ce patron fût doté d’une forme satisfaisante pour servir ensuite à confectionner un moule négatif en matière plastique.

L'esquisse du projet, sur une doc d'Ovale - Cliquez pour agrandir La charpente initiale

La charpente habillée de métal - Notez la Cox en arrière plan pour la comparaison des dimensions

Une fois la confection du moule terminée, ce dernier s’appliqua à remplir son rôle. La première carrosserie est construite ! Nous sommes en 1956 à Schüpfheim (canton de Lucerne) dans le petit garage familial (qui n’est pas une concession Volkswagen).

Le moule originel, avec la présence de M. Emil Enzmann et son fils Karl

La présentation publique de la voiture:
Au niveau suisse, la présentation officielle se fait lors du comptoir suisse de Lausanne en septembre 1956. Au plan international, c’est au Salon de Francfort de 1957, que l’Enzmann est publiquement présentée. Pendant le Salon, les clients intéressés adressaient leur courrier directement au Salon. Figurant aux côtés de grandes marques automobiles, l’Enzmann se faisait toute petite et disposait du petit stand numéro 506. Le postier, pour éviter tout égarement des lettres en question rajoutait naturellement le numéro du stand, soit 506 après le nom Enzmann. Il fut alors décidé d’appeler la voiture : « Enzmann 506 » !

Le stand 506 du Salon de Francfort en 1957

La production
La production en petite série commence en 1958 à Schüpfheim.
La voiture est basée sur le châssis VW bien connu à l’époque, ce qui posait problème car Volkswagen n’accordait aucun crédit aux carrossiers implantant d’étranges coques sur leur voiture, et donc refusait (à partir de 1961) de livrer des châssis nus. Il fallu donc, à partir de cette date, acheter des voitures neuves ou d’occasions juste pour en utiliser le châssis (remarque : pour palier à cette éventualité, un prototype sur base DKW fut construit).

le prototype DKW - Notez les nombreuses modifications (prise d'air avant + sur le capot, présence de portes, nouveaux clignoteurs et nouveau toit)

La carrosserie Enzmann était livrable en trois modèles (tous en deux places):

  • un coupé (très peu d’exemplaires avec la particularité d’avoir un toit articulé vers l’arrière, comme un avion de chasse)
  • un cabriolet (avec en option un hardtop articulé)
  • ou encore un spider (avec un petit saute-vent en guise de pare-brise).

Le Cabriolet

Le Coupé Le Spider

La production s’achève en 1968 avec un peu moins de 100 voitures construites (dont actuellement on recense la majeure partie aux USA).

Les particularités de l’Enzmann 506
Outre le fait d’avoir un toit ou encore un hardtop articulés, l’Enzmann se distingue principalement par son absence de portes. « On y entrait comme dans un avion (de chasse) », un petit marchepied, aménagé en forme de niche dans le flanc de la carrosserie, sert à enjamber la paroi pour pénétrer dans l’habitacle ; à l’intérieur, cette même niche joue le rôle d’accoudoir. Pour éviter de marcher sur les sièges pour s’installer à bord, un sabot, placé entre les deux sièges, permet de prendre appui pour rentrer dans le véhicule.

Monter à bord: Etape 1 Monter à bord: Etape 2

Les sièges furent un centre important de réflexions. En effet, Emil Enzmann, connaisseur de l’anatomie humaine, accentua son attention sur la cambrure des lombaires et des reins ainsi que le dégagement des omoplates dicté par les mouvements des bras. Il en résultat des sièges-baquets ergonomiques.
Le capot moteur possède une écope d’air sur sa partie supérieure, permettant l’aspiration d’air pour refroidir le moteur.
Les feux pourraient être assimilés à des feux Volkswagen (notamment les clignoteurs avant pour ceux d’un type 2 64-67). Il n’en est rien, ce sont des feux spécifiques, inutile de vous dire ce que représente la casse d’un de ceux-ci !

Les motorisations :
Une voiture à caractère esthétiquement sportif, se devait de proposer une mécanique digne de son nom (même si le gain énorme en poids grâce à l’emploi de la fibre de verre permet aux 1200 25 ou 30 cv d’être déjà performants). C’est pourquoi de nombreuses préparations moteurs étaient disponibles en option.

  • Les compresseurs :
    Jusqu’en 1958, le compresseur Judson (Conshohocken Pennsylvanie USA) est proposé aux clients et ce parallèlement à l’offre suisse du compresseur MAG (Motosacoche Genève) relativement moins cher. A partir de cette date, seul le compresseur MAG apparaît sur la liste des options.
Compresseur Judson

Compresseur MAG

  • Les préparations moteurs :
    L’essentiel est fourni en préparation Okrasa TSV 1300, mais d’autres types de motorisation furent possibles telle Denzel ou encore Porsche (dont l’histoire s’inspire de la philosophie). Il est important de remarquer qu’une des Enzmann a été construite sur un châssis de 356 Carrera avec moteur 2 litres …

Préparation Okrasa TSV1300

Arguments d’époque

1) Avantages de la construction sans portes :

– solidité augmentée et plus grande sécurité en cas d’accident,
– gain important de poids,
– accès facile, même sur une place de parc réduite,
– pas de dégâts en parquant,
– plus besoin de se plier en quatre pour entrer dans sa voiture,
– suppression des bruits gênants,
– pas de courant d’air sur les genoux dûs aux joints des portières.

2) Avantages de la carrosserie plastique :

– résistance absolue à la corrosion,
– amortissements des bruits,
– bonne isolation thermique,
– réparation facile et peu coûteuse,
– plus légère que l’aluminium, aussi solide que l’acier.

3) Matières premières de fabrication suisse :

– résine synthétique : Oelchemie, Brugg
– fibres de verre : Fibres de verre S.A., Lausanne
– fabrication des coques : A. Staempfli, Grandson

Caractéristiques techniques de l’Enzmann 506

1) Avec compresseur MAG :

Moteur :
alésage 77 mm – course 64 mm – 1192 ccm – taux de compression 6.6:1 – 42 ch (DIN) à 3400 t/min – puissance spécifique 35.2 ch/l (DIN)
Performances :
Consommation d’essence 7-9 l/100 km – vitesse maximum env. 140 km/h – rapport poids/puissance variant entre 11.9 et 13 kg/ch (DIN) – vitesse théorique en 4e à 1000 t/min 32.5 km/h

2) Avec préparation Okrasa :

Moteur :
alésage 77 mm – vilebrequin spécial en acier chromoly avec course de 69.5 mm – 1295 ccm – taux de compression 7.8:1 – 2 carburateurs inversé Solex – radiateur d’huile supplémentaire – filtre à huile spécial – culasses en aluminium – couple maximum 9.6 mkg à 2800 t/min – puissance minimum 45 cv (DIN) – régime de croisière 4600 t/min – régime maximum 5200 t/min – puissance spécifique au moins 34.8 ch/l
Performances :
Consommation d’essence 7.5 à 9.5 l/100 km – vitesse maximum plus de 160 km/h – rapport poids/puissance entre 11 et 12 kg/ch (DIN) – accélération 0-100 km/h environ 12 secondes

3) Dimensions :

Empattement 240 cm – voie AV 129 cm – AR 125 cm
Longueur 420 cm
Largeur 160 cm
Hauteur 108 cm (spider) 128 cm (cabriolet)
Garde au sol 16 cm
Diamètre de braquage 10.8 m

Carrosserie et poids :

Carrosserie monocoque en matière synthétique sans portes, à deux places ; 3 versions : roadster-sport (spider), Cabriolet (hardtop), Coupé.
Poids total 510-550 kg selon exécution.

L’Enzmann en course :
Une Enzmann fut engagée dans plusieurs courses suisses (slaloms, courses de côte). Son propriétaire, Monsieur Kurt Baumann d’Olten, la conduisit en courses durant trois saisons (catégorie 1100-1600cm3).

1966
21 août Course de côte St. Ursanne – Les Rangiers (contre Jo Siffert). La voiture, du fait de l’absence de portes devait courir en catégorie sport prototype, contre Jo Siffert !
28 août Course de côte Sierre – Montana
9 octobre 8e Course de côte nationale au Marchairuz

1967
23 avril Slalom automobile de Payerne
1 mai Slalom automobile de Wangen

1968
11 mai Slalom automobile de Payerne
25 mai Slalom automobile de Wangen
22 juin Slalom de montagne à Reitnau

Cette liste est bien entendu incomplète mais reflète bien tout le potentiel de l’Enzmann 506.

L’histoire continue …

M. Karl Enzmann Aujourd’hui, sous l’initiative de M. Karl Enzmann, le fils d’Emil Enzmann, et grâce à la conservation du moule originel, un retirage en très petite série (sur commande uniquement) de carrosseries Enzmann 506 est envisagé.Face à la mode des Replica 356, on imagine sans peine tout l’attrait du retour sur le marché de cette carrosserie à la fois sportive… et originale ! M. Emil Enzmann

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Pour de plus amples informations :

Enzmann Automobile
Gossweiler und Partner
Obere Bisrütistrasse 6
9220 Bischofszell (TG)
+ 41(0) 71 422 38 41

ou encore http://www.enzmann-506.ch ou enz.506@gmx.ch

Dossier réalisé par François DELADOEY