La vie réserve quelque fois d’heureux hasards aux journalistes amateurs que nous sommes. La preuve nous en est donnée par la découverte de cette KDF de 43 : un article dans la presse locale à l’occasion des fêtes du 60ième anniversaire du débarquement, appel au journaliste et deux coups de fil plus tard me voici avec le directeur du musée du débarquement au téléphone qui me propose de laisser le message sous l’essuie-glace de la KDF garée devant son musée. Une heure plus tard et le propriétaire m’appelle pour fixer un rendez-vous, pour vous permettre de la découvrir […]
Le 6 juin, date symbolique s’il en est en Normandie, rendez-vous est pris pour découvrir la belle, à Ste Mère-Eglise, lieu tout aussi symbolique du débarquement. C’est avec 2 heures de retard qu’elle est arrivée, tranquillement, en parfait ordre de marche, en « bonne » militaire. Pour l’anecdote, si la plupart des noms de VW militaires sont masculins (un Kübel, un Schwimm…) pour elle, on conservera le féminin.
Par la faute à ce fichu retard pris pour cause d’embouteillage, je n’ai que 20 minutes pour découvrir la belle, son histoire, ses n°, écouter son propriétaire, monter à son bord et faire deux ou trois pellicules et une mémoire de numérique, le propriétaire étant attendu au repas des vétérans.
Cette KDF a une histoire particulière. Produite au second semestre 1943, elle fut livrée à l’armée allemande avec le n° 5-021549 et aura pour immatriculation militaire le n° WH-147 288. Production typique du type 82E, elle a donc commencé sa vie sur les routes tourmentées de notre vieille Europe.
Réquisitionnée au lendemain du débarquement, elle a été soustraite aux différents inventaires alliés pour être cachée dans la grange d’un fermier au fin fond du Danemark.
Oui, vous avez bien lu…Mais son propriétaire a pour explication un geste de la main signifiant « chipée », en rajoutant la sacro-sainte formule « vous savez, c’était la guerre »….
Elle est donc restée là durant 40 ans et du fait de la façon dont elle était arrivée là, elle ne possédait évidemment pour document de circulation, que son n° de l’armée allemande.
Il a donc été nécessaire, pour lui permettre de circuler, de la mettre en règle. Elle s’est donc vue attribuer un n° de châssis de 1953 par l’administration des Pays Bas, en remplacement de son n° d’origine.
Cependant, ces 40 années d’attente au froid, n’avait pas épargné certains éléments et il a donc fallu lui faire une petite cure de jouvence : trains roulants, pneus, un peu de tôlerie, quelques retouches de peinture et la voici comme au premier jour ou presque car faisant de nombreux voyages à son volant, son propriétaire a remplacé l’antique système de freins à câbles par un système hydraulique plus sécuritaire, extirpé d’une 53, en changeant au passage l’ensemble du train avant.
Certains vont crier au sacrilège, mais n’oublions pas que c’était, il y a 20 ans ! Et combien de ses sœurs survivantes peuvent s’enorgueillir d’être strictement conformes à leur sortie des chaînes de Wolfsburg ?
Le moteur initialement un 1131cc de 25 ch a été remplacé par un modèle de Juillet 1956 avec 5 fougueux chevaux supplémentaires, portant le n° 1484086. Cependant, elle est toujours en 6V et dispose de ses flèches parfaitement fonctionnelles.
Elle arbore tous les attributs de la Police Militaire anglaise puisque au lendemain du débarquement, les alliés avaient coutume de prendre les véhicules allemands pour se déplacer, afin de parer à l’urgence de la situation. Cela permettait aussi de réduire les coûts en acheminant moins de véhicules.
Extérieurement, notre KDF 82E dispose entre autres accessoires :
– du feu allemand de signalisation rouge (car il s’agit de la couleur que l’on voit le moins loin dans le noir (bouton de droite incluant une ampoule témoin rouge, sur la plaque KDF interne)
– de la sirène aviation commandée de l’intérieur et permettant de signaler autour de soi l’approche d’avions ennemis (bouton de gauche sur la plaque KDF interne)
– du traditionnel feu de Black-Out (permettant de rouler la nuit sans être vu par les avions), …
Les plus perspicaces auront remarqué quelques anachronismes, comme :
– les pare-chocs d’ovale. En effet, les pare-chocs des « type 82e » sont normalement nervurés et plus fin que ceux des splits : ils sont introuvables aujourd’hui !
– l’absence de caches de Black-out sur les phares (justifié par le besoin de s’éclairer aujourd’hui, car n’oublions pas que cette KDF roule. Elle en est à près de 2000 km depuis le début des commémorations et avait encore 1200 km à faire pour rentrer !
A noter, que le filtre à air extérieur n’est là que pour le décor à l’occasion de fêtes du débarquement et que les étoiles aimantées sur les portes sont là pour cacher les palmiers allemands « mal venus » à l’occasion des fêtes.
Intérieurement, on retrouve notamment :
– la plaque de tableau de bord KDF
– le levier de vitesse siglé KDF
– la boite à pharmacie d’époque portant encore le n° d’immatriculation militaire de 1943
– le traditionnel compteur de vitesse à l’aiguille au fonctionnement inversé
– les planchers bois.
– et surtout l’odeur caractéristique et enivrante des vieilles huiles…
Si un jour vous avez l’opportunité de monter à bord d’une de ces « vénérables » qui ont vu passer des joies, des larmes, de la sueur et mais aussi du sang, surtout n’hésitez pas. Elles sont un peu l’Histoire et notre Mémoire.