Les protos sur base VW Aircooled étaient légion en Europe dans les Années 50, comme nous l’avons déjà relaté à travers nos présentations des Devin D ou de l’Enzmann 506 … mais la créativité a perduré durant les années 60 et, plus étonnant, au sein même de notre pays pourtant nourri de franchouillardes Dauphines, Deuches, 4L et autres productions hexagonale.
Nous vous invitons à découvrir aujourd’hui la Formeco une réalisation française à mi-chemin entre le Buggy et la voiture de piste, qui préfigurait déjà en 1965 l’usage mixte des réalisation polyester […] L’histoire est toujours aussi fantastique, car c’est à la suite d’un message sur le forum de FLAT4EVER.COM que l’histoire re-démarre : il y a trente ans, un garagiste-constructeur fabriquait des buggys dans le Pas de Calais, ma région… A la lecture du nom de ce grand homme, je percute : son fils est un ami !
Monsieur Paul Flament, car c’est de lui dont nous parlons, était agent Volkswagen au début des années 60. Aujourd’hui encore, il reste un nom connu dans le milieu sportif de l’époque. Son fils Lionel reprit plus tard l’enseigne du garage familial.
C’est donc ce dernier qui reçoit une équipe mixte du Tag’s et de Flat4ever composée de Rico et Bruno, Kombistes convaincus (Mr Flament l’est également) ainsi que de Vinz pour les photos et votre serviteur. L’accueil est chaleureux, à l’image du propriétaire des lieux.
Tout l’après-midi, Lionel Flament (…aidé d’une grande cafetière !!..) nous fera l’historique du buggy, construit un peu par hasard. Mes compères resteront bouche bée, admiratifs et attentifs, au cours de ce voyage dans le temps.
Tout commence en 1965 !
Bien que trop jeunes pour avoir le permis, les enfants de Mr Flament n’hésitent pas à emprunter les voitures du garage pour se faire la main sur les chemins vicinaux environnants, au grand courroux du paternel. Celui-ci décide alors de construire un petit engin qui permettra aux apprentis-pilotes de se défouler sur les plages toutes proches ou dans les champs voisins.
De ce prototype vendu presque aussitôt à un amateur, naîtront alors environ 200 véhicules qui écumeront les auto-cross du Nord-Pas de Calais pendant près de 10 ans. Une pré-série de 3 véhicules sera même présentée à la presse télévisée l’année suivante sur la place du village.
Le caméraman, accroupi, filme 2 Forméco jaunes flambant neuves évoluant sur le goudron.
A la demande du public, un second reportage plus conséquent prouvera l’agilité étonnante de cette voiture dans les dunes de la région. Les premières images embarquées achèveront de convaincre les amateurs de sensations qui passent commande avec une simple poignée de main. Entre passionnés, pas de contrat, bon de commande, devis ou délais. Le mot d’ordre c’est plutôt : » Quand tu auras le temps Paul, tu m’en feras une… «
Alors une Forméco, c’est quoi au juste ?
Première chose, trouver une Coccinelle accidentée pour récupérer la mécanique et la plate-forme. Cette dernière se voit amputée de 35 à 40 centimètres, selon la taille du pilote. Il reste à monter l’arceau et les 3 parties de la carrosserie qui passe ainsi de 450 à 35 kilos… rapport poids/puissance des plus favorables.
Le coût ? De 1500 « nouveaux » francs pour le kit de base à 3000 « nouveaux » francs pour un ensemble complet.
Voici un extrait de l’interview télévisée réalisée à chaud sur la plage des essais. Paul Flament explique :
« 15 voitures ont déjà été construites, l’exceptionnelle maniabilité en faisant un engin idéal pour s’initier à la conduite sportive. J’ai quelques problèmes avec la fédération pour l’homologation : on me réclame un double circuit de freinage ! Je vais me renseigner des règlements à l’étranger. Nous espérons pouvoir mettre les compétitions en route dès la saison prochaine… »
A cette époque, les amateurs se rassemblent sous la bannière de l’écurie Nord.
Un petit mot sur la production et quelques anecdotes croustillantes :
Comment un garagiste, fût-il réputé dans la région, peut-il maîtriser le polyester, matière encore très récente ? Simple… il traverse la route ! Eh oui, face au garage, un constructeur de matériel agricole est spécialiste du poly, justement ! Une partie des employés, passionnés, construit les carrosseries en partenariat amical avec les mécanos du garage chargés eux de la mécanique.
Parlons-en de cette carrosserie. A mi-chemin entre la formule Vée et la Lotus Seven ( ! ), le look de l’auto séduit d’emblée. Sur la base du châssis raccourci, la Forméco se présente comme un buggy 2 places… sans ailes et avec un museau digne des F1 de l’époque.
Trois parties la composent : le capot qui donne toute l’agressivité à la voiture, la partie centrale et le capot arrière qui protège le moteur des diverses projections de sable et de boue.
A qui doit-on le dessin nerveux du biplace ? En fait, à personne. Ou plutôt à toute l’équipe. Il n’y a pas de plan. Sur la base d’un treillis de grillage ( …à poules..), on applique le mat de verre et on corrige la forme. Des heures de ponçage plus tard, le master est prêt pour servir de base au moule définitif.
Mr Flament s’occupe alors des baquets moulés. Sur une forme en tôle, on tend le fameux grillage. S’adressant à son fils Lionel, il invite ce dernier : » Vas-y, assieds-toi ! » . Si vous êtes un des rares à posséder aujourd’hui ce buggy, vous connaissez donc la morphologie de Lionel Flament.
Mr Paul Flament au volant, et son fils Lionel.
Des performance de NSU TT !
Très légère, et même équipée d’un simple 1200, la Forméco a des performances très honnêtes pour l’époque : 130 km/h, le 0-100 mètres en 8 secondes, le 400 en 18.4 s, le 1000 mètres en 35 s. Equipée des premiers 1600, vous pouvez retirer 2 secondes à chaque chrono.
Imaginez la avec un moteur préparé..
La production compte déjà quelques dizaines de véhicules mais des soucis de fiabilité apparaissent, dûs à l’utilisation extrême des propriétaires. Rappelons qu’en France, les courses mono-types tout terrain n’existent pas. En Belgique, c’est différent…
L’équipe Forméco se rend donc à Flénu, sur une piste d’essais d’auto-cross, et fiabilise là-bas le véhicule. Elle trouve notamment sur place Mr Franco Decarly, champion de Belgique sur un buggy de sa conception.
Vous noterez dans la galerie photo l’importance donnée aux arceaux de sécurité sur des buggies longs non-carrossés, à rapprocher de l’élégant roll-bar du buggy français.
Une petite NSU3, bicylindre refroidie par air, tient tête aux quelques Cox présentes également sur le circuit. Après quelques allers-retours chez nos voisins pour des séances d’essais intensifs, les solutions retenues sont transmises aux clients, pour modification (renfort de châssis et nez de boite, notamment).
Le nombre de licenciés augmente et des courses amicales se disputent sur les longues plages du Nord-Pas de Calais comme dans les vallées d’Artois.
Ce seront par exemple les épreuves de Groffliers, Conchil-le-Temple ou Fauquembergues pour des courses enfin reconnues au Championnat de France d’auto-cross.
L’équipe « d’usine » se compose alors de Joêl Fourmanoir (maintenant agent VAG), Daniel Grevet (hélas décédé), Jacques Fauquet (toujours fidèle au garage de ses débuts), Marc Lebel et Jean-Pierre Béclin (agent Renault).
La course de Conchil-le-Temple marque la consécration de la Forméco qui remporte le Championnat de France devant le champion en titre, Francis Malherbe, sur buggy 1300 Gordini.
Franco Decarly, resté fidèle depuis les débuts, sera ce jour-là à la fois Champion de France et de Belgique. Malgré une réclamation, les commissaires de course jugeront le buggy nordiste tout à fait conforme en cylindrée.
Nous sommes en 1971, le buggy Forméco sera encore construit quelques années mais la première crise du pétrole arrive. La chasse au gaspi vient de commencer…
Dossier de Philippe GLORIANT