Pour beaucoup de passionnés de VW Aircooled, le terme » Porsche 914 » évoque au mieux une lointaine cousine que l’on a jamais croisée. Pour d’autres, plus rares, elle représente une voiture rapide, facile à vivre et bourrée de qualités routières… Après une première présentation superficielle, il nous semblait grand temps de revenir en détail cette la « Volkswagen Porsche » […]
La « Volkswagen-Porsche »
La 914 est la seule voiture produite sous la double marque Volkswagen et Porsche ce qui, inévitablement, donne lieu (en France) aux interminables débats » Est-ce plutôt une Porsche ou une Volkswagen » ? Evacuons ce débat existentiel via le sondage et recentrons nous sur la voiture et ses caractéristiques …
A la fin des années 60, Porsche et VW tombent d’accord pour trouver un intérêt commun à combler le vide laissé par la disparition de la 356. La Porsche 914, suivant la tradition Porsche d’un modèle entrée de gamme, est venu épauler la 911 et remplacer l’onéreuse et ambigue 912, trop proche en prix de la 911T . La 911 s’adressait pour sa part à une clientèle financièrement plus aisée. Coté VW, si la Karmann-Ghia reste séduisante, sa motorisation est loin d’en faire une vraie sportive. Les deux firmes se mettent donc d’accord en 1966 pour produire de concert « un modèle sportif de grande diffusion ». Porsche définira un concept original, VW apportera les motorisations de la VW 411/412 et le réseau de distribution …
La disparition de H. Nordhoff, le boss de Volkswagen, deux ans plus tard retardera le projet, mais la 914 sera présentée en 1969, en deux versions :
– La 914, propulsée par le 1700cc 80 cv de la VW 411
– La 914-6, propulsée par un six cylindres 2.0 de 110 cv issu de la Porsche 911
La 914-6, vendue quasiment au prix de la 911 ne trouvera jamais son public et ne sera produite que durant 2 années pour être abandonnée en 1972 avec seulement 3300 exemplaires vendus de part le monde. Notre étude ne couvre pas ce modèle très spécifique.
La Porsche 914 sera produite de 1970 à 1976 (1976 étant réservé aux USA) avec un total de 115.631 exemplaires, dont les 2/3 ont été exportés aux Etats-Unis. La France se contenta en 1974 de 18 exemplaires et de seulement 3 en 1975 !
A l’occasion de la sortie de la 914, Volkswagen et Porsche créent à 50/50 une société commune du nom de VW Porsche Vertriebgesellschaft GmbH chargée de présider aux destinées de leur nouveau bébé. La première décision prise est que la voiture sera distribuée aux USA sous la marque Porsche, dans le réseau Porsche et en Europe par le réseau Volkswagen sous la marque Volkswagen Porsche.
Une 914 a donc une carte grise Porsche aux USA et carte grise Volkswagen en Europe ! Pas simple … Pour l’anecdote, on note également l’exception française, la 914 étant distribuée dans l’hexagone par Sonauto, importateur exclusif … Porsche !
Caractéristique n° 1 : Un design (très) typé seventies
La ligne de la Porsche 914 ne laisse pas indifférent, mais on n’y retrouve en aucun cas le charme de la Cox, la fluidité des Karmann-Ghia ou le tempérament des 356 ou 911/912. La 914 est résolument à part, même si les optiques arrières rappellent vaguement la 911.
Les phares escamotables font penser à la Matra 530 ou la Fiat X 1/9 alors que les longs capots lisses et l’aspect presque symétrique entre l’avant et l’arrière peuvent paraître déroutants.
Ce qui frappe le plus, c’est l’aspect quasi symétrique entre l’avant et l’arrière, vue de profil. On verra plus loin que cette symétrie se retrouve dans l’équilibre global de la voiture. Mais indéniablement, l’ensemble respire le sportif, avec la ceinture de caisse ultra basse, les voies larges et les phares escamotables.
Un autre des aspects distinctifs de la Porsche 914 est constitué par ses pare-chocs intégrés à la carrosserie, incluant les projecteurs ronds additionnels (sauf sur les tout premiers modèles). Une première en 1970 pour la firme de Wolfsburg. Au fil de sa carrière la 914 ne s’offrira qu’un seul re-styling en 1975, avec de nouveaux pare-chocs proéminents (et des projecteurs rectangulaires) imposés par la réglementation américaine.
La ligne de la 914 n’émane ni des bureaux Porsche, Volkswagen, Karmann ou Ghia mais d’un bureau de style extérieur du nom de Gudelot Design. Spécialisé dans les meubles, ce sera son unique incursion dans le domaine de l’automobile…
Caractéristique n° 2 : le toit Targa démontable
Voiture plaisir par excellence, la 914 s’offre sur toutes les versions un toit Targa démontable et prenant place dans le coffre arrière, sans réduire significativement le volume de ce dernier. Quatre poignées à déverrouiller, et en un clin d’œil le toit a disparu dans le coffre et l’on roule cheveux aux vent.
L’arceau arrière fait par ailleurs office de déflecteur et évite les remous d’air désagréables dans la nuque, et bien connus des possesseurs de cabriolets. Le concept CC « coupé cabriolet » existait déjà en 1970 !
Caractéristique n° 3 : Stricte 2 places
La disposition centrale du moteur avec la turbine de refroidissement qui masse presque les omoplates du conducteur interdit tout embryon de banquette AR. La 914 est donc une stricte deux places même si elle a été homologuée en 3 place sur certains marchés, grâce à un petit coussin situé entre les deux sièges. Ceci dit, les deux passagers disposent d’une largeur et d’un espace impressionnants. Même les plus grands pourront étendre leurs jambes sans problème.
Consolation, cela libère un coffre AR de 160 litres, placé au dessus de la boite de vitesses qui vient s’ajouter au coffre avant de 140 litres. Le total n’est pas négligeable et permet de partir en week-end en amoureux en emportant autre chose que des maillots de bain …
Caractéristique n° 4 : le Moteur central
Le concept novateur retenu par Porsche lors des études sera celui du moteur central, qui à cette époque démontre sur piste tous les avantages de cette disposition : parfaite répartition des masses, centre de gravité situé au centre du véhicule. Cette disposition est le montage opposé à celui connu sur les VW aircooled (de tous types) qui ont pour leur part le moteur en porte à faux AR (la boite est vers l’avant du véhicule), mais également sur les Porsche 356, 911 et 912 …
Ce concept, associé aux voies extra larges, au châssis très bas assure en 1970 une tenue de route qualifiée de « diabolique » par les essayeurs de l’époque qui n’hésitent pas à indiquer qu’elle surclasse haut la main la 356 et la 911, en virant parfaitement à plat et de façon complètement neutre.
André COSTA « L’auto Journal Février 1970 » :
« Le plus beau fleuron de la VW Porsche c’est sa tenue de route. Les Volkswagen sont oubliées, les Porsche balayées et il ne reste plus que cet engin parfaitement équilibré et au centre de gravité surbaissé qui vire sans rouler le moins du monde avec la nonchalance précise d’une voiture de piste. Nous avons effectué cet essai dans des conditions détestables, vent, pluie, brouillard, boue, nids de poule. Les moyennes que nous avons pu réaliser confirment les qualités presque diaboliques de la 914 ».
Claude BOHERE « Rétroviseur Octobre 1996 »
« Le comportement de la 914 est proprement renversant. C’est simple rien ne semble la troubler. Route étroite, bombée, bosselée mais rectiligne et vous voici à un petit 180 compteur presque sans y penser. Le nez ne dévie pas, la direction maintient parfaitement les roues où elles doivent être. Un bon gros freinage en ligne sans vibration ni signe d’échauffement avant d’attaquer une méchante série de courbes serrées. La 914 y fait merveille, s’inscrit dans les courbes avec à peine le souvenir d’un sous-virage avant que l’accélérateur ne l’aide à s’extraire parfaitement en ligne. Le roulis n’existe pas, le niveau d’adhérence surprend pour cette époque … »
Caractéristique n° 5 : 80 à 100 cv de série
La Porsche 914 est propulsée par le 1700cc type IV de la VW 411/412 développant 80cv à 4800 trs/mn et emmenant la voiture à un gros 180 km/h compteur et même plus si on obtient l’aide du vent. Ce moteur est alimenté par une injection D-Jetronic. Les Porschistes la considèrent comme un » veau absolu « . Certes on peut ressentir cette impression lorsque l’on descend de la 911, mais à l’inverse, lorsque vous passez d’un 1300 VW à la 914 l’impression est vraiment, mais alors vraiment, toute autre …
Conscients de cette relative faiblesse, VW et Porsche développeront pour le millésime 1973 (à l’occasion de l’arrêt de la 914-6) un 2 litres basé sur le 4 cylindres type IV Volkswagen, toujours alimenté par injection D-Jetronic. Ce nouveau moteur « GB » voit ses pistons passer à de 90 à 94 mm, les culasses spécifiquement ré-étudiées par Porsche reçoivent des soupapes de 42 mm coté admission et 36 mm coté échappement au lieu de 39 et 33 mm pour le 1.7. La puissance atteint dorénavant 100 cv à 5000 trs/mn et le couple s’établit à 16 mkg à 3500 trs/mn, soit quasiment les même valeurs que celles de la 914-6… sauf que le couple est atteint 1000 trs/mn plus tôt que sur le 6 cylindres.
Le résultat est une voiture bien plus vive et bien plus souple à conduire. Le nouveau 2 litres est proposé aux cotés du 1.7 à partir de 1973. Le 1700cc sera pour sa part remplacé en 1974 par un type IV de 1800cc de 85 cv, aux performances inchangées.
Vu du coté du mouvement VW aircooled, où la principale activité est de jouer à la gonflette pour justement atteindre ces niveaux de puissance, l’attrait des motorisations de série de la 914 est indéniable et permet à la fois des sensations « street legal » tout en s’ouvrant les portes des 120-140 cv en toute fiabilité avec des préparations light par rapport à ce que nécessitent les moteurs type 1 pour arriver au même résultat.
Caractéristique n° 6 : 200 km/h chrono
La 914 en version 2 litres flirte avec les 200 km/h chrono (196 km/h pour être précis) et les deux marques ne se privent pas de communiquer sur ce chiffre.
Merci quand même la boite 5 dont la 5eme longue développe 37 km/h pour 1.000 trs/mn. Ceci dit, il faut être réaliste : il s’agit de chiffres qui sortent vraiment de l’ordinaire comparés à ce que pouvaient proposer nos classiques Flat4 aircooled à l’époque.
La 914 est en version 2.0 la Porsche « 4 cylindres » la plus rapide de la production, si l’on excepte les versions 356 Carrera. Mais peut-on parler de « série » pour une 356 Carrera ? Avec la 2 litres (dont le compteur est gradué jusqu’à 250 km/h) il n’est pas rare d’accrocher 220 au compteur … avec un moteur VW ! Attention toutefois aux versions US ré-importées et passablement dégonflées (jusqu’à 70cv en 1.8 et 88 cv en 2.0) pour satisfaire aux normes anti-pollution californiennes … elles ne vous offriront pas ces chiffres.
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Caractériqtique n° 7 : BV 5 … capricieuse
Si la 914 atteint cette vitesse, c’est bien entendu grâce à un excellent rapport poids/puissance (elle pèse 950kg), mais également grâce à une boite 5 vitesses, dont le rapport supérieur tire plutôt long (37 km/h pour 1000 trs/mn).La première est sportivement renvoyée en bas à gauche, la marche arrière prenant la place habituelle de la première en haut à gauche. Attention au départ en marche AR au feu rouge ! |
La synchro est efficace, la boite est souple et onctueuse, mais la sélection est affreusement imprécise, si bien que enclencher du premier coup un rapport donné relève presque de la mission impossible. Ce défaut criant dessert beaucoup l’agrément et la conduite sportive. En 1973, un nouveau sélecteur est installé qui, sans résoudre complètement le problème, améliore tout de même la situation. Il faut comprendre que avec le moteur central, le nez de boite se retrouve entre les roues et le pare-choc arrière. Vous imaginez la longueur de la tringlerie !
En dehors des considérations purement sportives, la 5eme longue permet de cruiser sur l’autoroute (Allemande) à 150 km/h à un régime de 4000 trs/mn ou de battre des records de consommation si l’on roule à 90 km/h stabilisés (à 2500 trs/mn), où la 914 se contente de 6l aux 100 !
Caractéristique n° 8 : 4 freins à disques
Une des caractéristiques de la 914 accentuant son caractère sportif est la présence de freins à disques sur les 4 roues. Certes ils ne sont ni ventilés ni asservis, mais leur efficacité, leur endurance et leur équilibre sont en tout point remarquables pour l’époque. Il est impossible de prendre ces freins en défaut et quand bien même on bloque les roues, la voiture reste un rail. Elle est équipé d’un répartiteur au niveau des roues AR
Caractéristique n° 9 : Train AV de 911
On reste dans le domaine sportif lorsque l’on examine le train AV de la 914. Il est à barres de torsion longitudinales (et non pas transversales comme sur les Cox) directement inspiré de celui de la 911. Les accrocs du droppage remarqueront un petit système de réglage simplissime mais génial permettant de régler la hauteur de la suspension AV en jouant sur la position de repos des barres de torsion avec une simple vis de butée
La version 2.0 est équipée en série d’une barre anti-roulis qui n’est disponible qu’en option sur la 1.7 ou la 1.8
1: la barre de torsion longitudinale
2: le réglage de la hauteur du train AV par vis de butée
3: fixation et bras de la barre anti-roulis (2.0 ou option)
Caractéristique n° 10 : Train AR Mc Pherson
Encore une spécificité de la Porsche 914. Le train AR est à bras tirés, triangulés selon le procédé McPherson, plutôt généralisé à l’avant des voitures, notamment sur les 1302-1303.On y retrouve une jambe de force avec ressort hélicoïdal intégrant l’amortisseur et une triangulation calculée pour éviter toute modification du carrossage et du pincement, quelles que soient les situations d’appui. Pour ce faire, la transmission est bien évidemment à cardans.
Toute cette géométrie, associée à la puissance du freinage et l’équilibre général de la voiture généré par la position centrale du moteur contribue à l’excellente tenue de route de la 914. Comme pour l’avant, la version 2.0 reçoit à l’arrière une barre anti-roulis en série. |
L’Equipement et la vie à bord
Nous serions incomplets si nous n’évoquions pas l’équipement et la vie à bord de la Porsche 914. Première impression : on est bas, très bas. Le toit culmine à 1m20 du sol et le milieu du pare-brise est en gros à 1m du sol.
La position de conduite est agréable dans le baquet, mais le passager doit se contenter d’un siège moulé non réglable jusqu’en 1973. Un bon point, les ceintures sont à enrouleur, noyées dans l’épais capitonnage arrière.
Le tableau de bord est en filiation directe avec celui des 911 de la même époque. Le pilote a sous les yeux un énorme compte-tour, l’indicateur de vitesse étant rejeté latéralement, au même titre que la jauge à essence ou bien l’immense voyant de frein à main. Celui-ci est d’ailleurs situé à main gauche du conducteur contre le pas de porte.
La version 2.0 propose une console centrale incluant une montre, un indicateur de température d’huile et un voltmètre. Le volant d’origine, assez large, a souvent été remplacé avec plus ou moins de bonheur par une version plus petite, comme sur la photo.
L’habitacle est spacieux, lumineux et les angles morts sont restreints. La place ne manque pas ni pour les coudes, ni pour les grandes jambes. Particularité de la conduite en hiver, la buée fait son apparition très vite compte tenu du (très) faible volume d’air présent dans l’habitacle.
Chaussée à l’origine en 155 x 15 (série 80) sur des jantes en tôle + enjoliveurs pour les versions 1.7 et 1.8, la version 2.0 bénéficiait d’une monte en 165 x 15 (toujours en série 80) sur des jantes en 5,5 pouces en tôle sans enjoliveurs (façon 1303 Big) pour les modèles d’entrée de gamme ou en alliage léger Fuchs ou Pedrini magnésium pour les versions commercialisées en dehors de l’Allemagne.
La motorisation.
On accède (façon de parler) au moteur de la 914 par une trappe de 30 cm de large située derrière la lunette arrière. On peut certes changer les bougies, vérifier l’huile et l’allumage mais c’est bien tout. Sans parler de l’injection et de son fatras de tuyaux et de fils, l’accessibilité mécanique de la 914 est une catastrophe. Régler le jeux aux culbuteurs est un vrai calvaire… Heureusement, le filtre à huile (un vrai) est parfaitement accessible pour sa part.
L’injection généralisée sur pratiquement toutes les versions (sauf 1.8) est remarquable… lorsqu’elle fonctionne bien. Elle lisse parfaitement la courbe de puissance et tire le meilleur du type IV. Par contre, si la voiture à souffert d’un manque d’entretien, les pannes peuvent se multiplier suite à la défaillance des différents capteurs ou à des problèmes récurrents liées à la mauvaise étanchéité du compartiment moteur et là, le moteur ne cafouille pas: on reste sur le bord de la route.
Cela explique pour partie les nombreux passages aux carbus du moteur 914 (en général simple ou doubles Weber), offrant une solution moins optimisée, mais plus tolérante. Mais nous y reviendrons dans un sujet spécifiquement dédié…
En conclusion …
Mal connue, mal aimée en Europe, la Porsche 914 a fait son trou aux USA où les mentalités sont peut-être plus ouvertes que dans nos contrées. Originale, attachante, rapide et surtout bourrée de qualités routières, la 914 fait un retour en force sur le devant de la scène depuis une poignée d’années, grâce à une cote avantageuse (pourvu que ça dure !). Son architecture et ses qualités routières constituent une des meilleures écoles de conduite sportive du monde aircooled, et réconcilie amateurs du Flat4 avec conduite sportive.
Aussi bien accueillis sur un meeting Porsche que dans les meetings Volkswagen aircooled les exemplaires restaurés à la perfection commencent à sortir leur nez des garages. Attention, cela ne veut pas dire qu’il faille se précipiter sur la première Porsche 914 venue. Relativement rare, elle vieilli très mal si elle a été mal entretenue… et les pièces sont spécifiques, hormis le moteur.