Rouler en Ancienne offre un charme indéniable. Par contre, le système indicateur de changement de direction à « flèches » de nos Coccinelles accuse bien souvent le poids des ans, avec un fonctionnement aléatoire voire carrément impossible parfois. Nous allons voir comment, à moindre frais, il est possible de donner une seconde jeunesse à des flèches, avec en bonus la possibilité de les passer en 12V si vous avez choisi d’upgrader votre circuit électrique […]
Qu’est-ce qu’une flèche?
Les Coccinelles étaient équipées d’un système indicateur de changement de direction à « flèches » jusqu’en 1960. Il s’agit d’un dispositif électro-mécanique, ouvrant un bras lumineux sur le montant du véhicule: l’ancêtre du clignotant en quelques sorte, que l’on retrouve sur beaucoup de véhicules de cette génération.
Le mécanisme est lui-même extrêmement simple : un électro-aimant (bobinage de fil de cuivre, on parlera de solénoïde), vertical, attire une petite masse en acier. Par un jeu de renvois, ce mouvement ouvre la flèche.
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On peut noter ici un raffinement, une « sophistication » du système : quand la flèche s’ouvre, la tige pointue à la base de la masselotte en acier vient en contact avec une languette métallique ; ce contact allume le témoin d’indicateur de direction sur le compteur. Le témoin ne s’allume donc que si la flèche est effectivement ouverte et l’ampoule navette allumée, ainsi le conducteur a l’assurance que le mécanisme fonctionne correctement!
Pourquoi rebobiner?
On peut être amené à envisager de les rebobiner dans deux cas de figure :
- Soit car le bobinage d’origine a rendu l’âme (on rebobine alors en 6 volts, conformément à l’origine)
- Soit dans le cadre d’une conversion du circuit électrique d’origine en 6 Volt vers du 12 Volt.
La ’59 servant de cobaye à cet article rentre dans les 2 catégories. Elle subit une conversion en 12 volts, mais de toutes façons ses fidèles flèches ont pris un « coup de chaud » : en effet, si l’on oublie sa flèche en position ouverte, la bobine surchauffe (par effet Joule), au point de faire fondre le vernis isolant les spires de fil de cuivre… D’autant qu’après un demi-siècle de bons et loyaux services, le vernis s’est passablement fragilisé.
Celles-ci se mettent alors en court-circuit, et le bobinage n’ayant plus toutes ses spires, il ne rempli plus totalement sont rôle : on a alors des flèches neurasthéniques, qui peinent à s’ouvrir, voire qui ne s’ouvrent plus du tout.
Lors d’une surchauffe, la chaleur dégagée peut même faire fondre en partie le cache en plastique orange de la flèche, aujourd’hui difficile à trouver à tarif abordable.
Un peu de théorie :
Lorsqu’un un courant circule dans le solénoïde, il génère un champ magnétique (force de Laplace/Lorentz), qui attire la masselotte métallique.
Pour faire simple, l’intensité du champs magnétique dépend du nombre de spires, et de l’intensité du courant qui y circule. Intensité qui dépend elle-même de la section du fil de cuivre servant à faire le bobinage.
Si l’on branchait directement la flèche en 6V (donc résistance d’origine) sur le circuit en 12V, et en vertu de la règle P = U² / R, on aurait une puissance consommée multipliée par 4, conduisant à une bobine qui grille à coup sûr.
Pour conserver une puissance consommée équivalente à l’origine, il faut multiplier la résistance par 4. Pour cela, nous devrons utiliser un fil de cuivre dont la résistance sera double de celle d’origine (c’est à dire de section moitié plus faible qu’à l’origine), et faire deux fois plus de spires !
Evidemment, si vous souhaitez rebobiner votre flèche en 6 volts, comme à l’origine, il suffirait de rebobiner le solénoïde avec un fil de section équivalente à celui d’origine, en faisant le même nombre de tours !
Première étape : démonter le solénoïde du bâti
Note importante : d’un modèle de flèche à l’autre, le démontage/désassemblage, le nombre de spires, la section du fil, peuvent varier légèrement…
Tout d’abord, démonter la partie « éclairage », maintenue par 4 vis : 2 vis à tête plate sous le cache plastique orange, et 2 vis à tête conique de chaque coté du montant métallique. Ensuite, avec un forêt de 7 (et beaucoup de délicatesse ! Une perceuse sur colonne est idéale), faire sauter les 2 oeillets sur le bâti de la flèche (flèches rouges sur la photo de gauche) :
Photo de droite, le résultat du démontage, après un dernier coup de fer à souder pour déconnecter le solénoïde : en haut le bâti de la flèche, ou l’on distingue la masselotte qui coulisse à l’intérieur du solénoïde. En dessous, le fameux solénoïde qui nous intéresse, puis une plaquette d’isolation, et enfin la platine bornier. Profitez de cette étape pour tout nettoyer en profondeur, c’est toujours plus agréable de travailler sur du propre que sur 50 ans de crasse.
Seconde étape : le débobinage
Il s’agit tout simplement de débobiner le solénoïde, en comptant scrupuleusement le nombre de tours (spires) !
Ici, le verdict est sans appel, et confirme nos soupçons : le bobinage d’origine a bel et bien flambé, le vernis a noirci, s’écaille, et même la bande de papier protectrice s’est carbonisée. Le rebobinage était inévitable.
Nous débobinerons 432 tours sur la première flèche, et 434 sur la seconde : nous devrons donc rebobiner le double, soit 866 tours de fil émaillé!
Le fil d’origine, mesuré au pied à coulisse, accuse un diametre de 0,6mm, soit une section de : s = Pi x (D/2)² = 0.2827mm².
Notre nouveau fil devra faire la moitié de cette section, soit 0.2827 / 2 = 0,14137mm2, ce qui correspond à un diamètre de 0,4242 mm (multiplier le diamètre d’origine par 1/sqrt(2)=0,7071 pour obtenir le même résultat).
Nous utiliserons donc un fil émaillé (verni) de 0.4mm de diamètre ! Ce type de fil est disponible chez tous les détaillants en électronique, ou en ligne sur www.conrad.fr par exemple.
Prévoir large coté longueur : c’est plus de 20 mètres de fil par flèche qu’il va falloir enrouler, et à moins de 4 euros la bobine de 35 mètres, ce serait trop bête de venir à manquer !
Troisième étape : le rebobinage :
C’est l’étape la plus fastidieuse, 866 spires à enrouler, en veillant à ce que les spires soient bien jointives. Il faut compter 45 à 60 minutes par flèche.
Ici, nous utilisons un étau à mâchoires de caoutchouc : le fil émaillé, en glissant entre les mâchoires, garde une tension constante, et offre une position de travail plus confortable. Prévoir aussi une feuille et un stylo pour noter au fur et à mesure à combien de tours on en est (par exemple à la fin de chaque longueur) : il faut compter plusieurs centaines de tours, et on a vite fait de se perdre !
Pour démarrer l’enroulement, il faut souder le bout du fil à sa place, au bout de la bobine : pour cela, gratter le fil avec une lame de cutter pour en retirer le vernis. Ensuite, un fer à souder bien chaud et une goutte d’étain suffiront. Nous sommes prêts à débuter l’enroulement.
A chaque longueur de bobinage enroulé, une couche de vernis bloquera les spires en place, donnant plus de rigidité à l’ensemble : empruntez donc le vernis à ongles incolore de Madame, ça fonctionne très bien, ça sèche vite et c’est pratique à appliquer.
Enfin, une fois les 866 spires en place, une bande de toile adhésive enroulée en spirale sur votre joli bobinage tout neuf le protégera des coups, griffures, etc…
Chaque tour de toile adhésive chevauche le précédent sur un ou deux millimètres, pas plus. En effet, le solénoïde chauffe, et une trop grande épaisseur de bande ne ferait que retenir la chaleur, l’empêchant de se dissiper. Une toile de couleur sombre aurait été moins salissante, mais bon…
Quatrième et dernière étape : réassemblage de la flèche.
Nous utilisons pour ré-assembler la flèche des oeillets (disponibles en quincaillerie ou grande surface du bricolage) identiques à ceux d’origine.
Le mieux est de les sertir à l’étau plutôt qu’au marteau, le résultat est bien plus propre.
On fera particulièrement attention à replacer correctement la petite plaque isolante entre la platine-bornier et le châssis de la flèche
Enfin, un petit morceau de gaine thermo rétractable finit le travail en protégeant le fil sortant de notre belle bobine toute neuve. Nous en profitons pour changer le fil qui alimente l’ampoule navette de la flèche : l’isolant tissé d’origine n’est plus en très bon état!
Il ne reste plus qu’à tester l’ensemble, après avoir appliqué une petite goutte d’huile fine sur l’articulation et la masselotte… Sans oublier de changer l’ampoule navette par un modèle 12V, évidemment! Ca marche! Plus rien à voir avec la flèche paresseuse d’avant, l’ouverture est franche, et en 12 volts !
Et voila! Pour seulement quelques euros et principalement une bonne dose de patience, avec une à deux heures de travail par flèche, notre petite ’59 repart avec des flèches flambant neuves !
Un dossier réalisé par Jean-Michel TRUCO